Les Journées de la Participation se tenaient à Bordeaux réunissant de nombreux acteurs. L’objectif ? Développer la participation citoyenne.

Désintérêt vis-à-vis de la politique ? Recul de la démocratie ? La forte mobilisation des citoyens lors des deux récentes Primaires a clairement montré que, bien au contraire, beaucoup de français ne demandent qu’à participer davantage à la vie politique locale et nationale. C’est dans ce cadre que se sont tenues à Bordeaux les premières Rencontres de la Participation citoyenne les 25 et 26 janvier organisées par l’association “Décider ensemble”.

Les Rencontres de la participation, pour qui ? Pour quoi ?

Journées d’échanges entre toutes les parties prenantes de la concertation, ces deux jours étaient centrés sur les questions aujourd’hui très présentes de la participation citoyenne, du débat public et du dialogue.

Point de départ de ces rencontres, l’idée que « la participation est plus que jamais un enjeu de l’action publique et politique ». Alors que les initiatives de démocratie participative se multiplient partout en France, le but de ces deux journées, qui ont vocation à devenir annuelles, était donc d’essayer de « structurer ce champ» par « la création d’un lieu d’échanges, de pratiques, de réflexion et de rencontres » et d’ainsi « permettre à tous les acteurs concernés – collectivités, entreprises publiques et privées, associations, institution, ONG, etc.- de se professionnaliser, de se qualifier et d’initier une réflexion collective pour co-construire, ensemble, les solutions participatives de demain ». Une belle réussite, puisque c’est fort de 400 participants que la première édition s’est conclue.

Accueillant associations comme collectifs citoyens, entreprises comme consultants, institutions comme collectivités locales, praticiens, chercheurs et les partenaires des Journées (AdCF, Caisse des Dépôts, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne…), les travaux sur la participation citoyenne se sont portés sur cinq thématiques précises :

  • « Plus de participation pour plus de démocratie » : questionnement autour de la relation participation et renouveau ou non de la démocratie ;
  • « Participer et se mobiliser dans les territoires » : éclairages spécifiques sur des mouvements de participation et de mobilisation dans les territoires tels que le crowfunding, les conseils citoyens ou les budgets participatifs ;
  • « Démocratiser le dialogue environnemental » ;
  • « Questionner les méthodes et s’approprier les outils » : comment intégrer les méthodes et outils déployés dans les démarches de participation dans une stratégie cohérente ;
  • « Diffuser la culture de la participation » et les questions de comment diffuser la culture de la concertation au sein des structures ou comment préparer l’entrée des acteurs dans un dispositif de participation ?

 

Afin de ne pas se limiter aux conférences et innover dans les rencontres, les échanges ont été organisés selon différents formats : retours d’expérience, débats, ateliers de travail, visites de terrain composaient un programme très riche.

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Qu’en retenir ?

2 jours, 400 participants, plus de 50 rencontres et vient le temps de tirer les enseignements des échanges. 3 grands constats ont été observés dans la majorité des échanges :

  • Si la participation citoyenne entre dans les collectivités, il reste encore beaucoup de travail à faire : tant sur la pédagogie qu’à propos de sa mise en place. Les organisateurs des rencontres ont observé une différence de dialogue entre les participants : “chacun percevait une réalité très différente, entre le commissaire enquêteur très technique, le citoyen engagé ou l’association qui ont une autre vision des choses, les échanges étaient parfois très éloignés. Il est très important de sensibiliser et éduquer”. Un travail sur la compréhension de tous les environnements parait nécessaire pour permettre des échanges constructifs.
  • “Échanger permet d’éviter le conflit” : que ce soit dans le changement ou le réaménagement d’une entreprise, sur le Plan Local d’Urbanisme ou pour une nouvelle destination d’utilisation d’un bâtiment public, l’information et l’implication des acteurs évite une situation de crise.
  • “Les situations sont plus efficaces quand elles sont concertées”. De l’échange et la co-construction naissent les nouvelles idées. “Pour qu’un projet soit cohérent et englobe la majorité des problématiques, il est important de faire entendre l’ensemble des acteurs locaux” rappelle l’association.

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De son côté, Loïc Blondiaux, universitaire français dont les recherches ont notamment porté sur la démocratie participative et qui était présent lors de ces journées, se dit « impressionné par le nombre de participants et surtout le renouvellement, avec beaucoup de nouveaux acteurs » y voyant ainsi « un signe frappant d’un début d’institutionnalisation de la démocratie participative ». En revanche, il demeure sceptique sur la capacité de celle-ci à résoudre la crise démocratique qui se répand dans le monde : selon lui, « la crise est peut-être trop forte, trop structurelle et profonde, notamment contre les systèmes partisans » pour que prendre le virage de la démocratie participative suffise…

Quels enseignements pour les élus ?

Les organisateurs ont des messages à adresser aux élus, le premier : “N’ayez pas peur !”. La concertation est souvent assimilée à un risque mais “si les règles du jeu sont clairement énoncées, tout se passe bien. Les parties prenantes se manifestent pour nourrir la réflexion et ne sont généralement pas dans une approche agressive” nous expliquent les représentant de Décider ensemble, et ajoutent “La participation s’apprend en expérimentant et en échangeant, en testant des outils, etc.”

Pour Loïc Blondiaux, les élus n’ont aujourd’hui tout simplement pas le choix ! En effet, « s’ils ne s’ouvrent pas aux nouvelles aspirations de participation des citoyens, ils vont dans l’impasse. Premièrement, car une partie des solutions passe par la mobilisation des citoyens. Deuxièmement, car cela ferait perdurer la défiance des citoyens vis-à-vis des élus et cette relation malsaine dans laquelle les citoyens ne sentent jamais entendus et les élus sont régulièrement critiqués voire insultés ».

Du côté des citoyens participants aux rencontres, le retour est sensiblement le même comme en témoigne Philippe, qui s’est déplacé pour l’occasion : “nous sommes à la recherche d’un nouveau modèle politique où les citoyens pourraient se faire entendre”. La démocratie participative est séduisante car elle laisse entendre que les élus décident de faire confiances aux acteurs du territoire : habitants, associations, artisans ou entreprises. Même si, Philippe l’entend, toutes les échelles ne sont pas adaptées à ce format “sur certains sujets, demander l’avis de tout le monde ne devient plus intéressant, chacun veut se faire entendre, le niveau de complexité est tel que les points de vue ne sont plus affirmés. Comment les élus peuvent choisir à ce moment ? Sans compter la frustration que cela peut dégager… Je pense que la commune est un échelon idéal pour la concertation, l’intercommunalité est déjà plus complexe pour ouvrir aux débats publics, au delà cela devient compliqué à vulgariser.” D’après Philippe, la concertation est très importante mais la communication et l’information sont essentielles.  

Pour finir, Décider ensemble adresse 3 conseils pour aux élus locaux :

  1. Développer une culture commune dans sa collectivité” entre agent et citoyens en faveur de la démocratie participative.
  2. Fixer des règles du jeu, définir des objectifs clairs et cadrer les sujets : pour que la co-construction se déroule au mieux, il est important que chaque partie connaissent les limites
  3. S’engager et ne jamais négliger le retour aux participants : il faut que vous expliquiez pourquoi une proposition a été ou n’a pas été retenue, que ce soit une réponse argumentée des élus ; que les suggestions soient prises en compte ou pas, il est important de le justifier pour éviter une démobilisation.

Maintenant, à vous de jouer 😉