La France, contrairement à la Belgique, à l’Angleterre ou au Canada, conserve une même vision et une même pratique pour les obsèques. Par pudeur ou par tabou, on n’ose interroger…

La France, contrairement à la Belgique, à l’Angleterre ou au Canada, conserve une même vision et une même pratique pour les obsèques. Par pudeur ou par tabou, on n’ose interroger nos rites funéraires par rapport à certaines thématiques, comme l’écologie notamment. Pourtant des nouvelles pratiques émergent et ce sont les communes qui ont un rôle important à jouer dans leur diffusion.

Pourquoi remettre en question nos enterrements ?

Le problème peut sembler indécent voire dérisoire, et pourtant nos méthodes traditionnelles seraient en décalage avec certaines réalités écologiques. La crémation, de plus en plus utilisée (un tiers des défunts) est particulièrement énergivore, en plus de relâcher du dioxine dans l’air ainsi que du mercure, à cause des plombages. Pour l’inhumation, c’est la thanatopraxie qui est en cause car ce procédé pour ralentir la décomposition du corps, requiert des produits toxiques particulièrement nocifs pour l’environnement. Ces derniers finissent par infiltrer les sols et polluent les nappes phréatiques. Au point que les cimetières seraient les endroits les plus pollués en ville. Ces problèmes sont surtout accentués par l’augmentation de la population et par conséquent le nombre de morts qui est de plus en plus important chaque année. Aujourd’hui, il y a un peu moins de 600 000 décès par an mais en 2020, il y en aura 800 000.

Le manque de prise de conscience sur cette question est dû au véritable tabou qu’elle suscite en France, contrairement à d’autres pays où le sujet est plus libre et les alternatives plus nombreuses. Culturellement, on revêt un caractère sacré sur tout ce qui concerne l’enterrement, ce qui, certes, permet de témoigner un respect essentiel aux personnes défuntes, mais empêche cependant de réfléchir de manière plus pragmatique à ces questions. Ce décalage s’exprime à travers la préférence pour les cérémonies religieuses y compris pour les personnes pas ou très peu croyantes. Les cérémonies laïques sont jugées jugés trop courtes et peu solennelles. Il ne s’agit pas ici de remettre en question l’intégralité du modèle traditionnel, qui convient à beaucoup, mais de s’interroger sur le manque d’alternatives proposées. Même si ces dernières existent et ont tendance à se développer.

Des alternatives pour des enterrements plus écologiques

Pour réussir un enterrement écologique, des conseils existent : il faut privilégier des modèles de cercueils biodégradables (en carton, en bambou, en osier, etc.), proscrire tout produit chimique pour l’embaumement, faire le choix d’envoyer les actes de décès par mails plutôt que par courrier, etc. Libre à chacun d’appliquer un seul ou l’ensemble de ces conseils en fonction de ses principes et de ses attentes. La choix du cimetière est aussi important : un lieu proche évite les déplacements trop longs et donc polluants. En France, on peut être inhumé dans le cimetière de sa commune ou dans celle où l’on est décédé. Nous pouvons aussi demander une concession dans une autre commune, notamment un lieu à proximité de sa famille, même si les communes ne sont pas obligées d’accepter.

Cette volonté d’alternative est comprise par des coopératives funéraires qui militent désormais pour défendre un modèle d’enterrement à la fois écologique et laïque. Elles proposent d’accompagner les proches avec une formule plus abordables et des rapports recentrés sur l’humain. Car la question du coût est aussi une des problématiques de l’enterrement en France. Au Canada, ces coopératives funéraires écologiques sont très répandues alors qu’elle reste encore marginale en France.

Les cimetières, une question délicate pour les communes

La question des cimetières est un sujet complexe pour les communes. Par le tabou qui existe sur cette question, beaucoup de problématiques ne sont pas abordées ouvertement. C’est une réalité peu évoquée : la gestion des cimetières qui est une compétence pour les communes et les EPCI est parfois dure à assumer car elle est délicate à traiter. Beaucoup de communes se sentent quelque peu dépassées par cette responsabilité et craignent la moindre erreur qui est souvent très lourde de conséquences. Certaines préfèrent externaliser ce service et le confier à une entreprise privée. Ainsi, le groupe Elabor réalise un audit pour 8000 d’entre elles et en gère directement 3500.

Les concessions, qui ne sont que temporaires, représentent un sujet épineux à gérer. A la fin de ces concessions, les communes se retrouvent parfois avec beaucoup de pierres tombales qui ne sont quasiment jamais récupérées par les familles. Pour pallier au problème, certaines communes, comme Lille, décide de proposer la vente de pierre tombale aux familles moins aisées. Ce service de vente d’occasion se heurte lui aussi au tabou autour de cette question mais la demande est bien présente malgré tout. Parfois, cela ne suffit pas pour maintenir le projet. La ville de Roubaix, par exemple, proposait un service de marbrerie solidaire mais l’idée a été abandonnée depuis. La ville de Vesoul, en revanche, se montre plus audacieuse : la commune a décidé d’organiser un « vide-cimetière » chaque année et des tombes sont revendues à des prix modestes. L’intérêt est triple : la commune s’évite les frais élevés en destruction de pierres, les familles peuvent obtenir une tombe à un prix abordable pour elles, et cela a un impact positif sur l’environnement en évitant ainsi l’achat de nouvelles pierres tombales, souvent importées de très loin. Sans oublier le désastre écologique que peuvent représenter certaines carrières.

Le cimetière naturel : l’avenir des cimetières en France ?

Si des pratiques plus respectueuses de l’environnement commencent à apparaître, les nouveaux modèles en véritable rupture avec les cimetières traditionnels sont plus rares. Mais pour remédier à cela, ce sont moins les coopératives que les communes qui ont un rôle à jouer !

C’est le cas de Niort qui, en 2014, a inauguré le premier cimetière naturel de Souché. Tout y a été pensé pour respecter au mieux l’environnement. L’empreinte écologique est la plus faible possible et le cimetière vise à “relier le plus possible le visiteur à la nature” comme l’indique sa présentation sur le site de la ville. Ainsi, le cimentière ressemble à un parc naturel avec beaucoup de verdures et des arbres. Le corps et les cendres sont “déposés en pleine terre” dans des cercueils ou urnes biodégradables. Le défunt “ne reçoit plus de soins de conservation”. Des pierres en calcaire “discrètes” remplacent les traditionnelles pierres tombales.

Ce projet est une initiative gérée à 100% par la commune de Niort. Depuis sa réalisation, la ville a reçu de nombreux appels d’élus d’autres communes intéressés par ce cimetière naturel. La ville met à disposition un document qui retrace les grandes lignes de la réalisation du projet. Un modèle alternatif de cimetière qui risque de s’imposer petit à petit dans les années à venir.