La fiscalité locale est un sujet complexe et pourtant vital pour des collectivités soumis à de sévères diètes budgétaires. Présentation

Principale source de revenus pour une collectivité, la fiscalité locale est un sujet extrêmement complexe, difficile à maîtriser, en constante évolution, bref particulièrement obscur pour un néophyte. Et pourtant, elle est vitale pour des collectivités soumises à de sévères diètes budgétaires.

Présentation des grandes lignes que l’on pourrait en retenir avec Coraline Arsac (Cabinet Fiscalité & Territoire, Montpellier).

Politique foncière, de quoi parle-t-on ?

D’un point de vue fiscal, la politique foncière, « c’est tout ce qui est relatif à la taxe foncière bati et non bati, donc c’est relatif aux biens, finalement, qui sont implantés sur un territoire ». Les propriétaires de ces biens vont payer la taxe foncière qui sera ensuite répartie entre des collectivités différentes : la commune, l’intercommunalité ou le département.

Autre champ : « tout ce qui est relatif aux réserves foncières et justement à la pression qu’il y a par rapport à tout ça », d’autres taxes que les collectivités peuvent mettre en place. Par exemple :

  • la taxe sur la friche commerciale : elle va conserver les locaux vacants au niveau des locaux professionnels. C’est « un peu une incitation pour qu’il y ait une action derrière qui soit engagée par le propriétaire ». Ainsi, « souvent la taxation, notamment facultative, a en fait pour objectif d’inciter à l’action pour qu’il y ait quelque chose qui se passe ».
  • la taxe sur les locaux vacants : également manière d’inciter le propriétaire à bouger, « quand il y a des locaux vacants depuis un certain nombre d’années, on les taxe. Comme ça, cela permet au propriétaire de se décider s’il loue, s’il paye la taxe parce qu’il souhaite continuer à en jouir comme il en a envie ou s’il vend ».

« la politique foncière, c’est comment je maîtrise la politique foncière sur mon territoire, comment je définis, dans le cadre du plan local d’urbanisme, les zones sur lesquelles je souhaite qu’il y ait des constructions qui se préparent et quelle taxe, quel taux je vote par rapport au besoin de financement de mon budget »

Baisse des dotations de l’Etat, un dur impact

Comme chacun le sait, la diminution drastique des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales leur impose un effort important. Dorénavant, les services financiers doivent rivaliser d’initiatives pour trouver des ressources, dégager de nouveaux revenus et optimiser leurs activités.

La politique foncière et la maîtrise de sa fiscalité locale s’imposent de fait comme des enjeux particulièrement vitaux  dans cette période de régime budgétaire : « elles [les collectivités] vont essayer de mieux comprendre ce qui se passe sur le territoire, de regarder plus finement l’ensemble des biens qu’il y a sur ma commune (d’où l’intérêt d’avoir un observatoire fiscal), l’usage (si la collectivité est propriétaire des biens) qu’elle va en faire notamment si elle a besoin de fonds rapidement, si elle va vendre… ».

Contraintes de trouver de nouvelles sources de rentrées financières, « les collectivités vont se poser la question de, sur leur propre patrimoine, ce qu’elles vont en faire ».

« Aujourd’hui, les collectivités ont beaucoup plus de mal à boucler leur budget, et du coup elles s’engagent soit dans une démarche d’optimisation des charges, soit dans une démarche d’optimisation des recettes fiscales »

La fiscalité étant la première ressource des collectivités, logiquement et intuitivement, elles en viennent à se demander si elles ne doivent pas redéfinir leur stratégie fiscale.

Une demande de conseils qui explose

Confrontées à ces baisses budgétaires qui se répercutent bien souvent par des diminutions d’effectifs et à une problématique extrêmement complexe , de plus en plus de collectivités se tournent vers des cabinets afin d’être accompagnées.

fiscalité locale collectivité

Si certaines peuvent être réticentes vis-à-vis à de nouveaux coûts que représenterait faire appel à un cabinet fiscal, bon nombre franchissent le pas tant « la fiscalité, c’est très compliqué ». En perpétuel bouleversement, les textes entourant la fiscalité locale exigent un suivi et une expertise qu’un nombre restreint de collectivités peuvent réellement assurer, « on est tout le temps en réforme. Chaque année, en loi de finance, il y a énormément de textes qui sont retouchés en matières fiscales. Donc déjà, rien qu’en matière de veille juridique et réglementaire…».

 

« Il y a toute une série de mesures qui arrivent, qui leur sont défavorables et dont, en plus, elles ne connaissent pas les enjeux financiers. Alors, elles font appel à nous pour justement essayer de les aider pour y voir un peu plus clair dans : quel va être l’impact, sur les contribuables et sur leur budget, de cette mesure-là qui a été votée en loi de finance ».

Ainsi, il est évident que la problématique de la baisse des dotations de l’Etat « suscite des besoins d’accompagnement parce qu’avant, les collectivités ne se posaient pas du tout la question du suivi ou de l’expertise des bases fiscales parce qu’au final, tout allait bien, les recettes fiscales étaient là ». Aujourd’hui, elles sont donc en recherche d’une « expertise un petit peu pointue pour les aider à trouver des recettes complémentaires, ou tout simplement être conseillées sur leur stratégie fiscale ».

De l’intérêt d’être accompagné par un cabinet

Ce bouillonnant droit de la fiscalité locale évoluant en permanence, pas forcément à bon escient, oblige de facto les collectivités à être accompagnées par des cabinets pour obtenir suivis et expertises.

D’autant plus que s’y rajoute un manque criant de communication entre les autorités administratives et les collectivités qui vont “subir” des réformes sans recevoir d’analyses d’impacts de ces réformes, « il y a des décisions qui sont prises qui les impactent directement mais elles n’ont pas l’analyse des impacts, parce que l’administration fiscale ne va pas leur fournir d’analyses d’impact sur leur territoire par rapport à une nouvelle mesure de la loi finance qui va les impacter, en plus de la baisse des dotations [de l’Etat] », « nous on est là pour les alerter déjà de tout ce qui est nouveau, pour leur dire qu’on peut peut-être les accompagner sur l’analyse des impacts et qu’on peut réfléchir à la question ».

L’importance vitale aujourd’hui de pouvoir anticiper sur les multiples réformes fiscales nécessite l’accompagnement de cabinets spécialisés, « les élus doivent être proactifs, dans l’anticipation des évolutions des recettes fiscales parce que finalement, il y a peu d’informations qui leur sont apportés sur les impacts des différentes mesures des dernières lois de finance ».

Sans veille, sans anticipation, « c’est vrai que des fois, il y a de grosses désillusions. C’est douloureux pour un élu qui a été fraîchement élu, réélu qui s’aperçoit qu’en fait, sa collectivité va mal, qu’il n’avait pas anticiper et s’est engagé sur un programme… ».

 D’incessantes réformes « néfastes »

Certaines des récentes réformes n’aident pas non plus les services des collectivités tant elles sont complexes (pour ne pas dire mal pensées), « il y a énormément de choses qui changent chaque année, mais dernièrement ce qui les impactent directement, c’est : 

  • l’article 75 de la loi de finance 2016 concernant l’exonération TH (Taxe d’Habitation) et TF (Taxe Foncière) des foyers qui en avaient bénéficié en 2014 : fin 2015, un certain nombre de foyers qui n’en avaient jamais versé ont reçu des demandes de taxes d’habitation et ont manifesté leur mécontentement. L’article 75 étend l’exonération en 2015-2016 avec une rentrée progressive dans l’imposition pour 2017-2018, « ça s’est fait en catastrophe totale » et les compensations ont été mal pensées.
  • la réforme des valeurs locatives des locaux commerciaux et professionnels qui va entrer dans les bases en 2017 avec des « dispositifs hyper-complexes de neutralisation pour les contribuables et de lissage des écarts en 10 ans. Bref, tout ça, les collectivités y pompent rien [sic], elles s’attendent à avoir une énorme remontée de leurs valeurs locatives alors que pas du tout ».

 

fiscalité locale

Des lois régulièrement mal pensées, mal équilibrées, modifiées dans l’urgence, sont reprises bien souvent 2-3 fois, ce qui ne fait qu’accentuer le caractère obscur des réformes, rendant d’autant plus difficile d’effectuer un suivi efficace, les collectivités reçoivent notifications de « mesures qui leur sont défavorables et, derrière, elles n’ont même pas les chiffres précis pour pouvoir anticiper qu’elle va être la perte dans leur budget ».

« Aujourd’hui, les collectivités c’est très compliqué pour elles. Ce n’est pas compliqué, elles mettent 6 mois à voter leur budget »

Dès lors, les équipes des collectivités, focalisées sur préparer le budget, ne peuvent pas concrétiser le reste de leurs projets, l’action locale et les citoyens en sont les grands perdants…