Les transports en commun gratuit, un principe parfaitement intégré et appliqué par une vingtaine de villes en France : avantages et limites.

Les transports en commun gratuit existent depuis des années en France et suscite de plus en plus d’intérêt. Bien loin d’être un gouffre financier, le libre accès au transport est un principe parfaitement intégré et appliqué par une vingtaine de villes en France. Retour sur les avantages, mais aussi les limites de cette politique audacieuse.

En France, les villes assument le coût

La communauté d’agglomération de Niort propose la gratuité de ses transports depuis le 1er septembre 2017, devenant ainsi le plus grand réseau de transports publics en libre accès en France. Cette décision, qui était une promesse de campagne du maire Jérôme Baloge lors des dernières municipales, concerne 45 communes pour 120.000 habitants. Mais, bientôt la communauté urbaine de Dunkerque et ses 200.000 habitants devrait détrôner Niort. La gratuité est mise en place progressivement : pour l’instant, les bus sont gratuits le weekend. Ils le seront tout le temps à partir de septembre 2018.

En France, une vingtaine de communes propose ses transports en libre accès. Hormis ces deux exemples et Aubagne et Châteauroux, cette gratuité concerne des communes de moins de 50.000 habitants.

La mise en place de la gratuité pose avant tout la question de son financement. Pour les communes qui ont fait ce choix, le revenu de la billetterie ne représentait qu’un faible pourcentage de revenus par rapport à l’investissement total. Pour Dunkerque, il était de l’ordre 8% et représente donc une perte de 4 millions d’euros par an, largement supportable pour les finances de l’agglomération. Pour Niort, les recettes de billetterie ne représentaient que 10% du coût du réseau. Dès lors, l’impact financier de la gratuité, très faible, peut facilement être compensé. Généralement, la gratuité des transports n’entraîne pas de hausse pour les habitants car le versement transport, un impôt payé par les entreprises, suffit. Et en retour, la gratuité permet aux entreprises de ne plus être contraintes de payer une partie de l’abonnement transport de leurs employés.

Pour ces villes moyennes, l’intérêt est aussi de pouvoir redynamiser leur centre-ville et de favoriser les commerces de proximité. C’est d’ailleurs l’un des objectifs affichés par les agglomérations de Niort et de Dunkerque. Les retombées économiques peuvent être très intéressantes puisqu’elles permettent d’améliorer l’économie de la ville, et d’attirer de nouvelles populations en rendant le centre plus dynamique et attractif.

Un impact environnemental et social positif

La gratuité des transports présente de nombreux avantages. Tout d’abord écologique, puisqu’elle permet de diminuer l’usage de la voiture et donc de limiter la pollution de la ville. Pour certaines communes, elle permet tout simplement de donner du sens au transport en commun : à Libourne, à Niort, et ailleurs, la hausse de fréquentation a permis de remplir les bus qui, pour certains, étaient régulièrement vides.

Enfin, le libre accès au transport présente un aspect social non négligeable puisqu’il est plus simple et efficace que l’offre segmentée qui propose des tarifs particuliers selon les situations, à condition de les demander. La fréquentation change et s’ouvre à toutes les catégories et permet donc une plus grande mixité sociale. L’accès est aussi facilité pour les familles qui peuvent davantage fréquenter les transports. Les pratiques changent : l’usage des transports pour les trajets courts augmente considérablement.

Des contraintes et des limites à prendre en compte

Si les avantages sont intéressants et l’impact financier faible pour certaines communes, le principe n’est que peu apprécié. Les associations des usagers comme l’Union des transports publics (UTP) et la Fédération nationale des usagers des transports publics (FNAUT) s’opposent au principe de gratuité. Selon eux, cela entraîne une dégradation des infrastructures, qui seraient beaucoup moins respectées, et un désengagement d’investissement de la part des collectivités, alors que la hausse de fréquentation nécessite précisément plus de moyens.

Mais la hausse des incivilités peut être limitée par le maintien d’une présence au sein de ses transports, en remplacement de celles des contrôleurs. Bruno Cordier, expert des politiques alternatives de déplacement, explique dans Libération, avoir constaté une augmentation des incivilités à Châteauroux : « Avec la gratuité, il n’y avait plus de contrôleurs. Il a suffi de réintroduire une présence humaine dans les bus et ça s’est très bien passé. Il y a parfois des jeunes qui passent leur mercredi après-midi dans le bus mais à part ça…»

Un principe limité aux villes moyennes ?

La gratuité des transports à Niort et à Dunkerque va permettre de déterminer si cette politique convient à des agglomérations plus grandes que la moyenne des villes proposant ce service. Si le principe est loin d’être la gabegie financière que ces détracteurs dénoncent, la gratuité semble s’adapter précisément aux communes moyennes, mais paraît peu pertinente pour des villes plus grandes. A Bordeaux, par exemple, l’idée a été rejetée car la billetterie représente 30% du coût total, et donc un manque à gagner de 72 millions d’euros par an. En Ile-de-France, la situation est encore plus compliquée : la billetterie représente 50% des recettes et les réseaux sont déjà saturés et ne pourraient pas accueillir une hausse de fréquentation.

C’est à l’internationale que les expérimentations sont plus audacieuses. En Estonie, Tallinn vient de devenir la plus grande ville du monde (plus de 400.000 habitants) et la première capitale à proposer des transports en commun gratuits. En attirant une nouvelle population en ville et donc une augmentation des recettes fiscales, le principe serait même rentable. La gratuité des transports va être étendue au pays dans son ensemble. En Allemagne, la gratuité est envisagée pour répondre aux exigences de l’UE en matière de pollution de l’air : en proposant le libre accès au transport en commun dans certaines villes, Berlin espère améliorer la situation écologique et éviter les sanctions de Bruxelles.