Echanges avec les acteurs qui mettent en place les innovations pour les transports en commun avec ces billettiques.

Axe de développement économique et de la mobilité propre, les transports en commun doivent être plus attractifs que le « tout voiture » dans les territoires. Souvent, chaque type de transport a un abonnement dédié, rendant la multimodalité complexe. Pour faciliter l’expérience utilisateur, et rendre les transports en commun plus accessibles, certaines collectivités passent au numérique. Echanges avec les acteurs qui mettent en place ces innovations.

Simplifier, c’est la clé

Moovizy à Saint-Etienne, Vialsace en Alsace, carte EMMA à Montpellier… De nombreux territoires optent pour des solutions numériques. Leur but : faciliter l’accès aux différents transports du territoire et fluidifier la mobilité des citoyens.

Grenoble, le SMTC – Syndicat Mixte des Transports en Commun – a initié dès l’appel d’offre de la DSP en cours (mi 2013-2020) une volonté de développer les nouvelles technologies dans les transports publics, rappelle Patricia Varnaison-Revolle, directrice du département Mobilité, Transports et Conception de l’espace public au sein de la collectivité. Deux dispositifs ont été installés dans les transports en commun grenoblois et digitalisent l’offre de mobilité locale : la solution Tag & Pass et l’expérimentation Monetrans, développés depuis 2015 par Transdev en collaboration avec la SEMITAG dans le cadre du contrat de DSP qui les lie au SMTC de Grenoble. Ces deux propositions répondent au besoin local et « facilitent la mobilité du voyageur » explique Sophie Boucaud, chargée des partenariats et Marc Moreau, directeur du Pôle Systèmes Numériques chez Transdev.


Tag & Pass, lancé en août 2015, est un service dit de post-paiement couplé à un dispositif de validation par QR code et NFC. Après avoir créé un compte sur le site dédié, l’utilisateur peut opter pour deux solutions : une carte d’abonnement à valider à chaque montée ou télécharger l’application. Puis, il lui suffit de valider grâce à son smartphone le sticker présent dans le transport et de le présenter en cas de contrôle.

L’expérimentation Monetrans a permis de tester de septembre 2015 à septembre 2016 le paiement de son transport directement par carte bancaire sans contact sur une ligne spécifique du réseau.


Simplifier le paiement, la validation ou l’achat a pour but d’encourager les voyageurs à emprunter les transports en commun. Régler par SMS plait aux utilisateurs : il suffit d’envoyer un message et vous recevez un code qui fait office de titre de transport. « A Rouen, le système mis en place rencontre un franc succès » certifie Marc Moreau. « On a déjà plus de 10 % des tickets unitaires qui sont maintenant vendus par SMS », démontrant ainsi l’intérêt de viser la simplicité de l’expérience utilisateur

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Fort de cette leçon et soutenu par les élus grenoblois, le dispositif Monetrans est lancé. « Ne plus avoir à faire la queue pour acheter un titre de transport incite le public à les utiliser. Nous avons constaté que les échanges d’espèces rallongeaient le temps d’attente et décourageaient les utilisateurs » souligne Transdev.

Les chiffres parlent. Monetrans a déjà généré 14 % des ventes de titres de transport vendu à bord des véhicules sur la ligne concernée. Tag & Pass n’est pas en reste et a mobilisé 12 000 utilisateurs inscrits comptabilisant plus de 130 000 voyages en 2016. « Les chiffres démontrent que l’axe digital est important pour la billettique de demain » se réjouit Sophie Boucaud.

La volonté grenobloise de « permettre l’accès à une plus grande gamme tarifaire grâce à de nouvelles solutions pour s’adapter à tous les usages » semble fonctionner. Au-delà de l’engagement politique local, c’est une orientation que soutiennent les acteurs du secteur. Pour Transdev, « un abonnement donnant accès à tous les moyens de transport facilite leur appropriation par les usagers. L’accessibilité renforcée d’une souscription auprès d’un intermédiaire – qui se charge ensuite de vous abonner à tous les moyens de transport – permet aux abonnés de profiter du réseau entier ». En somme, si l’expérience est aisée, les usagers sont enclins à utiliser les réseaux de transport.

Le rôle primordial des collectivités

Alors pourquoi existe-il tant d’applications ou de dispositifs différents en France ? « Chaque territoire présente des marchés différents : les collectivités lancent toutes un appel d’offres différent pour la gestion des transports en commun. Malheureusement, cela se fait de façon désynchronisée dans le temps » regrette Marc Moreau. Une multiplicité de solutions qui pose un souci de lisibilité et de rationalisation.

« Il ne faut plus qu’il y ait une solution par ville » – Marc Moreau

Marc Moreau conseille très fortement de penser la multimodalité dans son ensemble. « Il faut donner un accès simple et transparent aux divers modes de transport pour qu’il n’y ait pas un dispositif par moyen et que cela complique tout aux yeux des usagers » explique-t-il.

Les collectivités peuvent aider « dans l’expression de leurs besoins et dans leur approche. Le cas de Dijon est exemplaire, décrit Marc Moreau. Ils ont passé un appel d’offres pour un ensemble de services de mobilité y compris du stationnement. Il faut que la collectivité pense l’ensemble de son réseau et le pilote comme un tout. C’est essentiel car cela envoie un message fort aux acteurs ».

« Les différents modes de transport doivent être transparents pour l’utilisateur final : il faut un support unique sur lequel charger ses trajets. » – Sophie Boucaud

Lors de l’élaboration du contrat de DSP en 2013, la collectivité avait demandé « le développement d’un dispositif permettant d’acheter ou de valider des titres via son téléphone. C’était une demande des élus, une volonté d’être novateur ». La collectivité a ainsi validé le développement du dispositif Tag & Pass.

« L’agglomération grenobloise a une culture ancienne de l’innovation et c’est donc assez naturellement que les élus inscrivent les évolutions technologiques dans leurs projets », – Patricia Varnaison-Revolle.

Pour s’adapter au besoin des utilisateurs, Sophie Boucaud conseille de « partir du parcours voyageur ». Essayer de simplifier et fluidifier leurs déplacements doit être la ligne directrice. Elle permettra aux opérateurs de développer des solutions numériques adaptées aux usages. Cette vision est aussi bénéfique aux collectivités qui optimiseront ainsi la connexion de l’offre des moyens de transport.

Métropoles et laboratoires de l’innovation : le duo qui fonctionne

Si Tag & Pass est un dispositif déjà opérationnel et exploité sur le réseau grenoblois, Monetrans en est encore à sa phase expérimentale initiée par la démarche Lemon. Le projet est la traduction concrète de « la volonté politique de disposer d’un laboratoire d’expérimentation des mobilités piloté en partenariat avec le SMTC et Transdev, partenaire industriel et commercial de la Semitag » détaille Patricia Varnaison-Revolle. Le Laboratoire grenoblois a un but clair : renforcer l’attractivité du réseau TAG par des projets novateurs autour de cinq thématiques : intermodalité, accessibilité, développement durable, citoyen voyageur et ère collaborative.

A Grenoble, les « différents acteurs du transport, y compris les habitants ou les commerçants, sont fortement impliqués dans la démarche de co-construction de projets expérimentaux ». Sophie Boucaud n’hésite pas à reconnaître le rôle central des métropoles dans le développement de ces laboratoires de solutions innovantes. Elles peuvent y développer et améliorer les dispositifs facilitant l’expérience des voyageurs. Selon Marc Moreau, elles sont aussi les seules à pouvoir assumer « la lourde logistique et l’innovation qu’exige la multimodalité ».

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Expérimenter les billettiques innovantes dans les métropoles permettra de développer des solutions légères pour les plus petits réseaux

Plus que le caractère innovant qui permet un essor de fréquentation, le développement des laboratoires de mobilité dans les métropoles permet de réduire les coûts de développement. Ils vont alors permettre « d’industrialiser des solutions multimodales qui, pour le moment, ne sont qu’étudiées au cas par cas dans de grandes métropoles pilotes, souligne Marc MoreauIl va donc falloir que, dans les prochaines années, des solutions standards puissent être déployables ».

L’enjeu ? Apporter des solutions dans les petits et les moyens réseaux grâce au développement de la billettique légère. « La billettique traditionnelle, avec carte sans contact et tous les dispositifs qu’elle engendre, a un coût. Elle n’est donc pas toujours rentable, déplore M. Moreau et est parfois au-dessus des capacités de ce que peut offrir un petit ou moyen réseau ».

La solution existe peut-être déjà : Marc Moreau évoque le développement de l’application unique Pweep, testée actuellement aux Pays-Bas et aux Etats-Unis par Transdev. « Une application universelle qui se décline et s’adapte aux différents contextes, se réjouit-il. Si beaucoup de territoires l’adoptaient, cela permettrait de mutualiser et donc de réduire les coûts, d’autant que cela facilite l’accès aux transports peu importe le territoire ». Une belle opportunité dont les territoires se saisiront peut-être.

Si les transports en commun sont connus de tous, la part des utilisateurs est assez faible. Les solutions de multimodalité les plus innovantes ont des effets bénéfiques sur leur fréquentation et permettent de maintenir le cap de la mobilité durable.

Cet article a été rédigé en partenariat avec Transdev.